A. En route ! (Alice, Melkan, Stoïan)

(Stoïan est resté sur sa roulotte, il surveille ses environs.)

Deux hommes du clan portent la jeune femme jusqu'à la roulotte où joue la petite Sarah, accompagnée de la vieille Sarah qui prendra soin de l'inconnue. Melkan et Alice peuvent donc remonter sur la chariote où les attend Stoïan.

Je regarde la jeune femme s'installer dans la roulotte avant de regagner ma place. Une fois à la hauteur de Stoian je m'adresse à lui.

- J'espère que vous nous pardonnerez d'avoir pris les devants sans vous consulter au préalable, le sire Melkan et moi-même avons permis à une jeune femme blessée de voyager dans l'une de vos roulotte jusqu'à ce que nous atteignons le village le plus proche.

J'affiche une mine désolée pour accompagner mes paroles.

Je regarde Melkan un instant avec un air gêné avant de me retourner vers Stoian.

- Eh bien elle n'a rien dit de particulier, Sarah s'est occupée des blessures de la jeune femme et n'a pas contredit les directives que j'ai donné. Je ne m'aviserais cependant pas de parler en son nom, si vous le désirez je peux aller recueillir son avis.

Je m'agite un peu en parlant, gênée d'avouer cet oubli.

J'ai un léger sourire.

- Si elle était contre, elle l'aurait fait savoir. N'ayez crainte, vous avez bien fait. Sara et Django sont les chefs de cette caravane, même s'il est certain que j'ai... quelque influence. Avançons, alors.

J'acquiesce d'un mouvement de la tête ne pouvant réprimer un sourire ravie que Stoïan ne me tienne pas rigueur de mon erreur. Je m'assieds en prenant soin de ne pas plisser ma robe.

Je ne bouge pas, restant dans mon coin et attendant qu'on me sollicite. Mais intérieurement, je ne cesse de me dire qu'Alice à bien agi...

Vous continuez donc votre chemin et arrivez dans un village comme il y en a tant dans le monde. La nuit avancée fait qu'il est totalement inanimé et vous n'entendez que le ronflement des porcs et le chant des oiseaux nocturnes.

Je me penche légèrement vers Stoïan et Melkan pour attirer leur attention avant de parler.

- Arrêtons nous un instant, je vais aller voir Sarah pour prendre des nouvelles de la jeune femme. Peut-être que nous sommes dans son village. Je reviens vite.

J'attends que la roulotte s'arrête pour descendre.

Les roulottes avancent si lentement dans le village, qu'il est possible d'en descendre et de remonter la caravane sans peine. Stoïan siffle une longue trille, pour demander l'arrêt à la première caravane.

Je regarde Stoïan avant de lui dire:

à - Je vais aller avec elle, on est jamais trop prudent.

Je hoche la tête et souris.

* Il est décidément fort consciencieux.

- Ne vous éloignez pas de la caravane et faites rapide, les gadjés ne manqueront pas de nous chercher des ennuis.

Je suis déjà en bas lorsque Melkan s'adresse à Stoïan, je me tourne vers lui et incline respectueusement la tête avec un sourire affiché sur mon visage avant de me remettre en route vers la roulotte qui m'intéresse. Dès que j'entre dans le champs de vision de Sarah je me met à lui parler.

- Sarah, comment se porte la jeune femme ? S'est-elle souvenu de quelque chose ?

Malgré l'envie je ne pose aucune autre question et attends la réponse de la vieille femme.

Avant même de voir Sara, ce qui surprend Alice et Melkan, c'est le fait que sa roulotte soit déjà ouverte. Dans la pénombre ils aperçoivent la vieille Sarah assise, les yeux dans le vide, les bras ballants, une larme roulant sur sa peau bronzée et ridée comme une vieille pomme. A côté d'elle, Tina et Mala qui étaient restées dans leur roulotte d'origine ont la même attitude.

C'est le cri de la jeune Sara, que Stoïan peut lui aussi entendre, qui rompt d'un éclat funeste l'étrange calme de la nuit. Vous voyez alors, en hauteur et un peu plus loin, des lumières éclairer une tour en bois en haut d'une colline - une de ces fameuses tours que les seigneurs font de plus en plus souvent encerclées de fossé et de palissades.

Une voix d'homme, celle de celui qui dirigeai la chariote suivante, se fait alors entendre.

- Sara...

Dans ses yeux se lisent l'effroi et la culpabilité alors qu'il descend de sa place, comme tous les autres compagnons de Stoîan qui forment bientôt un cercle.

Stoïan descend lui aussi et s'approche. Il se place derrière Alice.

Je regarde tour à tour Sara, la lumière sur la colline, l'homme puis encore Sara. Reprenant mon calme je m'approche de la vieille Sara et pose délicatement ma main sur son épaule, je tourne ensuite la tête vers l'homme qui vient de parler.

- Que s'est-il passé ?

Alors qu'Alice pose la main sur l'épaule de la vieille Sara, celle-ci semble comme se réveiller de torpeur. Elle regarde autour d'elle d'un air paniqué puis, ne trouvant visiblement pas ce qu'elle cherchait des yeux, elle se tourne vers Stoïan et parle d'un air animé, mais aussi effrayé, dans une langue que ni Alice ni Melkan ne peuvent comprendre.

Je regarde Sara alors qu'elle parle dans sa langue, décidant cette fois de ne pas écouter ma curiosité je ne presse pas Stoïan afin de savoir ce qui a été dit. Je me détourne un peu d'eux et cherche du regard la jeune inconnue qui était montée dans cette roulotte.

Cela partait d'une bonne intention et cela vire au cauchemar... comme un peu toute ma vie. Mais bon, c'est le problème d'Alice, je n'ai pas à avoir ce genre d'état d'âme.

La discussion est brève, et, une expression de violence inscrite sur le visage, je me tourne vers Alice et Melkan

- Nous devons faire une pause. Le clan nous attendra plus loin, venez. Il faut dégager un peu ma roulotte, ensuite nous irons retrouver la femme. Alice, n'avez-vous rien remarqué de spécial quand vous l'avez vue ? il semble qu'elle ait été bien plus qu'elle ne l'ait montré. Et maintenant, elle a capturé la petite Sara.... Je dois la retrouver et faire payer cette offense. Etes-vous avec moi ?

Je le regarde vraiment surprise, ouvre la bouche une première fois sans qu'aucun mots ne s'en échappe. Je fronce les sourcils indignée de ce qu'a fait la femme alors que nous venions de l'aider, la gêne d'avoir, quelque part, provoqué cette situation disparait devant ma colère grandissante.
Mon regard se fait plus dur et je répond à Stoïan.

- Bien sûr que je vous accompagne Stoïan ! Et croyez moi que si j'avais remarqué la moindre bizarrerie je serais restée avec elle, je ne comprend vraiment pas ce qui a pu se passer... Pourquoi avoir enlevé la petite Sara ?

Mon visage prend un air inquiet alors que je pose la dernière question.

Mon regard se porte sur Melkan, mais c'est à Alice que je réponds.

- Probablement pour la dévorer. Ce serait une sorte de goule.

Toute la caravane se prépare mais un homme semble ne pas vouloir partir. Il regarde Stoïan avec insistance ; c'est Vedel, le père de Sara. Il ne dit rien, mais son regard dit long : il veut être des vôtres.

Je regarde la manière dont se déroule la conversation. Lorsque le père de Sara nous fait comprendre qu'il veut venir, je fais un pas en avant vers lui:

- Je sais que vous voulez faire ça... mais ce n'est pas une bonne idée. C'est notre faute (je lance un regard à Alice) et c'est à nous de l'expier.