7. J'étais sur la route toute la sainte nuitée (groupe 1)

Rostan regarde Rosalia, légèrement surpris.

-"Dame, comme les choses m'apparaissent aucune route ne semble plus sûre qu'une autre. Ce périple entier est dangereux.

Et j'ai juré de vous défendre contre ces dangers et de vous porter assistance. Quand bien même je ne l'aurais fait le lien du sang auquel mon Sire m'a soumis me l'impose.

Comprenez par là que, pour moi, vous êtes celle qui décide et que je vous suivrais jusqu'aux portes d'Enoch ou de l'Enfer. Alors faisons comme bon vous semble, et je me contenterais de me mettre entre vous et les problèmes."

Je regarde Rostan en fronçant les sourcils, les lèvres pincées. Il est clair que sa réponse ne me satisafit pas complètement. Puis je me tourne avec Rosalia, d'un ton fataliste:

- Eh bien, allons donc voir cette mystérieuse cloche ! Espérons que nous ne nous perdrons pas un peu plus encore dans la brume...

Je continue en m'adressant à Alaïs avec un geste du bras.

- Peux-tu mener les chevaux dans cette direction ? Kernt et moi nous placerons à l'avant pour dégager le chemin, tandis que Rostan surveillera nos arrières.

[HRP : On inverse le triangle K-G-R par rapport à tout à l'heure, et hop hop, on y va !]

Je secoue doucement ma tête de gauche à droite.


-Ca ne me semble toujours pas une bonne idée. Mais puisque la majorité à parlé...

Je me place là où Guilhem l'a indiqué, prêt à me remettre en route.

Vous avancez donc lentement mais sûrement, parfois obligé à faire de longs détours pour éviter des arbres trop rapprochés pour laisser passer votre véhicule. La cloche sonne, inlassablement, et il semble que vous vous en rapprochiez peu à peu, mais si lentement... Ou bien est-ce le temps qui vous semble long dans cette brume épaisse et cette peur latente ?

Soudain, Rosalia sursaute et des cris de loups se font entendre. Vous auriez aimé que ce soit "au loin", mais il n'en est rien. Ces cris sont prêts, dangereusement prêts. Rosalia ouvre en grand son troisième œil et une douce lumière dorée apparait en volutes, formant un cercle de trois mètres de diamètre autour d'elle, vous englobant tous, avant de disparaitre.

Les chevaux semblent dangereusement énervés et Rosalia descend du sien, récupérant le sac lourd où sont ses affaires, puis tenant sa monture par la bride. Alaïs, qui n'est pas experte en conduite, commence elle aussi à avoir du mal à tenir ses chevaux qui renâclent : ils ont peur, tout comme la Bête en vous.

- Ils arrivent, hâtons-nous ! Mais surtout, surtout, quoiqu'il advienne, restez prêts de moi, et nous serons saufs...

Malgré ses paroles rassurantes vous voyez à ses gestes rapides, ses regards furtifs, qu'elle a peur.

Je murmure quelques mots apaisants aux chevaux et aide pendant quelques instants Alaïs à faire avancer la carriole plus rapidement. Puis je me place non loin de Rosalia et sors mon épée, car je sens bien que nous devrons combattre avant d'atteindre notre mystérieux objectif... si nous parvenons à l'atteindre.

Flattant l'encolure des chevaux sans réellement y prêter attention, je reste concentré sur ce qui se passe autour. Planté à la verticale, ramassant doucement ma tête dans mes épaules, je me concentre sur chaque son et chaque mouvement alentour. Finalement c'est à voix basse, presque en chuchotant, que je prend la parole.


-Je savais qu'on aurait dut chercher à reprendre la route...

Rostan prend position, se rapprochant de Rosalia ainsi qu'elle l'a recommandé. Il ferme un instant les yeux. Lorsqu'il les rouvre, son expression a changé. D'habitude taciturne, il a l'air...excité, la tension précédant un possible combat semblant lui faire plaisir. Son visage se fend d'un, rare, sourire avant de s'assombrir de nouveau au bout de quelques instants, la concentration reprenant le dessus dans son esprit.

Bien qu'il laisse son épée au fourreau et semble se poster d'une façon la plus pacifique possible, il reste prudent. Ses vêtements semblent onduler un moment, puis de ses manches et phalanges commencent à pointer de cruelles épines et griffes.

La tension montante dans le groupe ne m'échappe pas. Et bien que ma propre inquiétude me torde les entrailles, je me concentre sur ma tâche: tenir les chevaux et assurée une avancée fluide et aussi calme que possible.
Suivant les instructions de Rosalia, j'accélère le pas, tout en jetant quelques coups d'oeils en arrière pour m(assurer que le groupe reste compact.

Lorsque les quatre loups sortent des fourrés pour sauter sur vous, les chevaux se mettent à ruer. Rosalia s'éloignent du sien et ceux d'Alaïs foncent vers l'avant, emmenant carriole et conductrice avec eux. Dans la panique et le bruit, vous n'avez que le temps de vous rendre compte que les animaux n'ont pas pu vous approcher, étrangement repoussés à trois mètre de vous. Mais déjà les chevaux ont quitté la périphérie du cercle et Alaïs voit avec horreur les loups attaquer les montures dont les coups de sabot ont l'air sans force face aux crocs terribles des prédateurs, qui encaissent les coups sans même reculer tandis que leurs griffes semblent entrer dans la masse musculeuse comme dans du beurre.

Les autres, glacés d'effroi, peuvent voir un cinquième loup, resté à l'écart, grandir peu à peu, ses muscles se développant en même temps que sa taille, pour atteindre les presque trois mètres, ses longues griffes sortant de ses doigts musculeux. Mi-homme mi-loup il n'est qu'à vos yeux un monstre puant et horrifiant.



En deux bonds, il saisit Alaïs par le bras et l'amène prêt de lui tandis que les loups quittant ce qui n'est plus qu'une viande encore chaude commencent à vous encercler. La jeune goule peut en conséquence mieux "admirer" sa musculature impressionnante et mieux savourer l'odeur de chien mouillé qui émane de lui. Elle se fait renifler et un grognement sourd émane de la gorge du lupin.

[Je coupe là, vous laissant le temps de réagir.]

Je jette un regard angoissé à Rosalia. Comment les garde-t-elle à distance ? Mais ce n'est plus le temps des questions. Mon épée à la main, je crie au lupin -- sans savoir si ma voix véhicule l'assurance que j'affiche ou la peur que je ressens:

- Laisse-la ! Elle ne te servira à rien !

D'une voix qui manque absolument d'assurance, Rosalia intervient :

- Je ne suis pas sûr qu'il vous comprenne. Peut-être faudrait-il mieux utiliser Animalisme... Sire Kernt ?

La puanteur de l'animal me révulse, le massacre des chevaux me paralyse. Même s'il ne reste devant moi que deux carcasses lacérées, la cruauté sanglante des bêtes, leurs griffes rouges et poisseuses, leurs mâchoires encore pleines d'entrailles me hante.

Le monde se tait. Plus un bruit. L'agitation de mes compagnons est muette, le monstre qui me tient a cessé de grogner et n'a plus d'odeur.

Le temps s'étire, le chevaux s'effondrent pour la cinquième fois devant mes yeux. Les loups se sont multipliés, c'est une meute entière que arrache les tripes des étalons et lacèrent leurs yeux. Le sang des chevaux gicle, s'étend, englouti la terre aux alentours, coule, coule encore et encore. C'est un lac à présent, au milieu du quel trône, porté par cent racines noires s'entrelaçant, la dépouille mortifiée d'un monstre qui me regarde. Ses orbites roulent, un œil tombe, l'autre pend désespérément au bout d'un nerf.

Le monde est rouge de sang.

Le monde est froid, glacé. Mon corps tremble et la sueur descend lentement le long de mon front, serpente jusqu'à mon menton et tombe, doucement, lentement, pour aller s'écraser sur ma cape et résonnant comme des cloches. Une autre goutte tombe et résonne à nouveaux. Mes lèvres bougent, mais le monde se tait.

"A mes côtés, Seigneur, quand la nuit s'approche,
Les ténèbres grandissent, et la pénombre m'enlace
Quand toute aide est vaine et que l'espoir s'envole
Secours des désespères, reste, Seigneur, à mes côtés."

Répondant d'un hochement de tête à Rosalia, j'avance de quelque pas encore sans pour autant sortir du cercle. il me faut bien trouver quelque chose à leur dire mais quoi? Les loups garous sont sensés haïr les vampires; ca je le sais. Cependant les deux races peuvent vaguement cohabiter lorsque de bonnes raisons les y poussent, ca je le sais également. Bien maigre matière pour construire un discours pour moi qui ne me suis jamais senti l'âme d'un orateur...C'est cependant après quelque secondes de réflexion silencieuse que je prend la "parole", avec un grognement fort mais non agressif pour attirer l'attention tout d'abord puis par une suite de grognements et de cris.

Vous avez l'impression que les loups se mettent à rire puis le loup-garou qui a choisi la forme "bâtarde" répond avec une voix quasi-humaine - profondément caverneuse cependant, et plus grave qu'aucun humain ne pourra jamais imiter :

- Le fait même que vous existiez est une perversion du Ver. Votre présence sur la Terre insulte Gaïa, vous ne méritez que de mourir.

Prenant Alaïs par le bras il la pousse devant vous - tout en la retenant, ce qu'il lui fait très mal.

- Celle-là n'est pas comme vous, nous ne la tuerons pas. Mais nous la gardons en otage... Au cas où vous auriez envie de rejoindre Peire.

La douleur arrache un cri à Alaïs. Ses yeux restent légèrement voilés, mais l'expression d'horreur semble s'atténuer.

Lentement, le lac sanglant s'éclaircit et la lumière éclate. Un blanc vif, pur. Mes yeux se ferment malgré moi. Le monde s'éteint.

Face au spectacle des chevaux déchiquetés et des loups garous, ce qui reste d'homme en moi éprouve un dégoût profond... un dégoût qui égale même la peur que la Bête en moi éprouve. Je ne cherche même pas à cacher mon mépris à l'être qui s'en est pris à Alaïs pantelante quand je crache :

- Tu crois vraiment qu'on va traîner dans le coin ? On veut seulement traverser cette fichue forêt, et le plus vite sera le mieux !

Alors qu'Alaïs s'évanouit, le lupin la récupère dans ses bras velus, l'empêchant de chuter. Le jeune fille frêle parait plus fragile encore sans cette énergie qui la caractérise, et à côté du monstre qui la tient, elle semble n'être qu'une poupée de son - inarticulée et sans vie.

Le lupin, étrangement, semble un peu gêné de ce corps qui n'offre plus de résistance et il l'a tient d'un bras, laissant son corps se plier vers l'arrière, le visage pâle offert au vent et à l'humidité de la bruine.

- Partez, mais nous la gardons, grogne le lupin. Elle ne deviendra pas l'une des vôtres !

Rostan tique aux dernières paroles du lupin.

-"Cela c'est à elle seule d'en décider... Contrairement à... D'autres, elle semble avoir fait son choix. Vous n'avez aucun droit de la priver de son libre arbitre...

De plus, nous devons humblement avouer que nous avons besoin d'elle en journée, pour pouvoir continuer notre route... Nous ne cherchons pas les ennuis, simplement à continuer et quitter votre territoire le plus rapidement possible.

Mais sans elle, nous n'irons sans doute pas loin. Si vous la prenez... Nous serons forcés de rester ici, et probablement de rencontrer et chercher alliance avec ce Peire que vous évoquez. Rien de bon ne pourra en sortir... Nous serons probablement annihilés en essayant de la reprendre, mais croyez-moi que nous ne partirons pas sans infliger à votre horde des souffrances qui vous ferons regretter votre geste inconsidéré pour des siècles.

Rendez la nous, et laissez nous continuer en paix, dans notre intérêt commun..."

Rostan plante son regard droit dans les yeux du lupin, sans ciller, décidé à se tenir à cette parole.

Il se met à rire.

- Comme si cela nous importait que vous puissiez continuer à ne pas vivre ? Quant à Peire... on voit bien que vous ne connaissez pas.

Un loup dresse une oreille, puis les trois, regardant vers la droite - vous vous rendez compte que la sonne a cessé de sonner, bien que vous ne puissiez dire depuis quand.

Un des loups se lève et va dans cette direction.

A la réplique du lupin, Rostan fait claquer sa langue d'agacement.

-"Je me doute que notre survie ne vous importe pas, bête imbécile. Je vous explique qu'elle nous importe à nous, et que comme elle dépend de cette jeune fille en journée, nous ne POUVONS pas vous la laisser. Si vous nous la prenez, nous serons obligés de tenter de la reprendre et quand bien même cela signifierait notre destruction (qui arrivera de toutes façons certainement si nous la laissons) vous n'en sortirez pas sans souffrances innommables pour vous comme pour le reste de votre horde !!

N'êtes vous donc pas capable de comprendre que vous vous mettez vous et votre horde en danger idiotement, pas votre acte orgueilleux et inconsidéré ? "

Lorsque les loups s'agitent après s'être rendus compte que les cloche avaient fait silence, Rostan marmonne entre ses dents.

-"Par ma terre...Quoi encore ?"

Je ne commente en rien le discours de Rostan, me contenta d'être tourné vers lui pendant qu'il prend la parole. A l'arrêt du son de la cloche, je me retourne également pour regarder le Lupin s'en aller. Je profite du silence pour reprendre la parole.

-Dites moi. Ce Peire, dont vous parlez, ne s'agirat-il pas du vampire qui vit dans ces bois?

La question de Kernt se perd dans les grognements sourds qui suivent la réplique hargneuse de Rostan. Rosalia, affolée, recule d'un pas en murmurant :

- Par le ciel, Rostan, maitrisez vos ardeurs ! Vous allez faire tuer Alaïs !

Les trois autres loups grandissent eux aussi, leurs muscles se développant, tout comme leur griffe et leur échine qui se redresse, les élevant eux aussi à presque trois mètres de hauteur. L'un d'eux n'attend pas d'être totalement métamorphosé qu'il saute sur vous, arrêté une fois encore par la bulle invisible de la salubrienne.

Celui qui tient toujours Alaïs désigne Rosalia du doigt :

- Je connais vos pouvoirs, vampires aux trois yeux. Donne nous l'insolent, et nous vous laissons partir.