6. Repas du soir, espoir (Guilhem, Rostan)

Vous quittez donc la chambre dans le but de vous sustenter. Dans le couloir, vous entendez l'animation venant du rez de chaussée, visiblement c'est l'heure de dîner pour les mortels aussi... Comment comptez-vous vous y prendre ?

Rostan sort en silence de l'auberge et commence à arpenter les environs, l'air d'un promeneur nocturne.

Il cherche une proie de préférence animale et si possible assez éloignée de l'auberge et de son agitation.

Je descends tranquillement et jette un coup d'oeil discret sur les clients de l'auberge pour repérer d'éventuelles proies. Puis je sors goûter l'air frais de la nuit, avant de me résoudre à suivre une odeur que je reconnais sans peine. J'aboutis à proximité du mur d'angle de l'écurie, à peine éclairé par les lanternes marquant l'entrée de l'auberge, et me cache dans l'ombre du mur. Je réprime un soupir sans savoir si je dois rire ou me désoler des actes que mon état me contraint à commettre. Je me résous à sourire. Je suppose que Sapho s'en divertirait -- alors pourquoi pas moi ?

Au bout d'une demi-heure, un homme d'une cinquantaine d'années, chauve et bedonnant, visiblement déjà bien éméché, sort en chantonnant à voix basse, traverse la cour avant de s'arrêter face au mur de l'écurie. Alors que j'attends toujours dans l'ombre, immobile comme la mort, l'homme se met à fouiller confusément ses chausses tout en grommelant. Après un temps qui me semble infini, il finit par trouver ce qu'il cherche, se met en position et asperge copieusement le mur en brique sèche d'une urine fumante.

Toujours personne d'autre dans la cour parfaitement tranquille... Alors que l'homme tente, toujours aussi maladroitement, de reprendre une tenue plus décente, je sors de ma cachette et mords le cou celui qui me tourne le dos. L'homme est parcouru d'un spasme de surprise et de plaisir que je commence à reconnaître. Mais je ne m'attarde pas et relâche rapidement mon étreinte. Après avoir léché la plaie, je repars dans l'ombre, laissant le pauvre paysan se demander s'il n'a pas déjà bu bien trop pour la soirée.

@ Rostan : chercher une bête sauvage dans la nature, cela s'appelle chasser... Autour de toi, il y a surtout des champs - mais les champs, tu le sais, tu le sens, grouillent de vie. Plus loin, dans le ciel encore clair, tu distingues à les massifs plus sombres d'un bois, ou d'une forêt. Mais il te faut te décider vite car déjà le brouillard commence à monter, et en cette fin novembre il fait si froid qu'on pourrait se demander comme un vieil homme peut sortir si longtemps sans manteau.

@ Guilhem : tu vois l'homme tituber, hésiter et, un peu hagard, rentrer à l'auberge comme il s'en est venu. Par contre, tu sens en toi comme une légère ivresse, et tout te parait soudain plus léger, plus joyeux. Tout est bien finalement... Tu souris sans pouvoir vraiment te contrôler - et puis après tout, pourquoi ne pas sourire ?

Le coeur plus léger qu'à mon habitude, j'attends dehors pendant quelques instants le retour de Rostan. Puis je retourne à l'intérieur de l'auberge pour retrouver Rosalia, Kernt et Alaïs.

Rostan se décida pour les bois voisins. Il y serait sans doute moins visible et plus tranquille pour chasser. De plus, le brouillard qui commençait à poindre achèverait de le dissimuler.

Les bois étaient touffus, sombres et bruissants de la vie nocturne de sa faune. Cacophonie à peine murmurée mais bien plus vivace en cet instant que n'importe quelle musique. La nuit chantait.

Il soupira d'aise, goûtant un instant le calme de la nature, les odeurs d'humus et de terre. Le temps d'un bref vague à l'âme cela lui rappela son domaine. Sa terre qui lui manquait tant.

Chassant les idées noires de son esprit, il se mit en quête de gibier.

il envisagea un moment de chercher quelque rongeur, mais se ravisa, la faim et la bête en lui demandaient plus. Et, pour une fois, il était d'accord. Après quelques minutes de recherches, il finit par aviser les traces d'un petit groupe de cervidés. Voilà qui conviendrait tout à fait.

il remonta la piste jusqu'à une petite clairière, bordée d'un point d'eau, ou s'ébrouait le gibier convoité. Il observa longtemps, se demandant comment approcher, quel animal cibler. Le mâle dominant ? Un peu trop risqué. Les mères ou leurs petits ? Idem. Et les petits étaient trop fragiles. Il voulait simplement ponctionner sa subsistance, pas tuer.

C'est alors qu'une jeune biche, manifestement pas encore une mère, se détacha du groupe pour aller boire. L'occasion était trop belle.

Rostan s'approcha doucement de l'eau, toujours à couvert des arbres se faisant le plus discret possible. Silencieux comme...Comme un mort...

La biche sentit le caïnite mais trop tard, il était déjà trop près ou peut-être sa jeunesse la rendait-elle peu méfiante.

Elle n'eut pas le temps de faire volte-face que déjà il la tenait par la gorge, et la forçait d'autorité à se coucher sur le flanc.
Les autres animaux s'ébrouèrent par peur de l'intrus et s'enfoncèrent dans les sous-bois. Seul, le mâle dominant resta à la lisière des arbres. Observant la scène, d'un œil que Rostan crut un instant accusateur.

Le vampire plongea ses crocs dans le cou de se proie. Elle tressailli un instant.
Le sang chaud de cette fille de Diane emplit son gosier. Le goût était riche, puissant et lui rappela les viandes dont il se délectait parfois alors qu'il était encore humain.

La Bête semblait apprécier elle aussi, quoiqu'elle aurait sans doute préféré la douceur sucrée d'un sang humain.
Après avoir pris ce qu'il lui fallait, Rostan lécha la plaie de l'animal et la laissa repartir. Elle s'enfuit dans les bois, d'un pas mal assuré, grogui.

Rostan était rassasié, la Bête en lui satisfaite. Il épousseta son vêtement, puis repris sa route, retournant à l'auberge où l'attendaient ses compagnons.

Vous les rejoignez donc.