-10- le procès

Le préfet répète sa question, impassible :

- Témoins, confirmez-vous les dires de Sire Agulin ?

Alice s'empresse de répondre un "oui" étouffer avant de se rendre compte de sa bévue.

Alberte, quant à elle, prend le temps de répondre :

- Pour ce qui est de Hamed, je n'en sais rien. Mais le reste reprend bien certains des élèments que nous avons trouvé.

- Ouais, pareil.

"Comment confirmer la moralité d'une personne que nous n'avons vu qu'une journée ? Mais s'il faut confirmer que Clara a tuer un rat, oui, par soucis de blasphème ou par peur qu'on découvre la vérité, il m'est impossible de le confirmer"

Kernt hausse les épaules.


-Même remarque qu'Astier : Elle a bien tué un rat.

Rostan se lève doucement, et prend la parole.

-« Non . Pardonnez moi Sire Agulin, mais je ne peux porter crédit à votre version des faits, nous avons au moins un fait sur lequel nous ne sommes pas en accord. En effet, ainsi que je l’ai déclaré durant mon témoignage, dans les faits dont j’ai été-dont nous avons tous été- témoins [désignant à la ronde ses compagnons d’infortune] lorsque Hamed a fini, de lui-même par vouloir énoncer sa version des faits, et nous a simplement annoncé qu’il allait nous dire toute la vérité, dame Clara s’est empressée de lui couper la parole, avant même qu’il ne nous raconte quoi que ce soit, pour le menacer ouvertement de révéler des choses le concernant si il ne se taisait pas. De plus, après qu’Hamed malgré ses menaces nous ait tout de même énoncé sa version des faits, elle a finit par elle-même passer aux aveux. Sans jamais nier avoir l’initiative et la position de force dans la « relation » qui la liait à l’assamite. Je ne peux donc accréditer votre version des faits ayant été témoins de mes propres yeux de faits contradictoires à certains de ceux que vous énoncez, puisque j’ai bien vu dame Clara tenter de faire chanter Hamed et non pas l’inverse, ainsi que vous le souteniez.
Croyez bien que cela me contrarie bien, voir cet assassin subir la justice princière me faciliterait la tâche, étant donné comme je l’ai déjà déclaré que je suis sensé protéger la dame Rosalia que ce dernier serait –du moins ainsi que tout le monde semble le penser, moi compris- chargé de faire expirer. Mais je ne peux en mon âme et conscience laisser une telle contradiction s’insinuer dans cette affaire. »

Conclut Rostan en se rasseyant posément.

Toujours aussi discrète, ceux qui me regardent voient une vampire concentrée, les sourcils froncés et qui hoche la tête à la prise de parole de Rostan.

Je regard d'Agulin est chargé de haine et foudroie Rostan. Avant qu'il ne puisse répondre, Lugan intervient :

- Merci, mon fils, pour ta plaidoirie. L'heure est venue de passer au vote. A moins qu'un autre témoin veuille intervenir ?

Stoïan et Adelbert secoue négativement la tête.

Agulin se rasseoit avec les autres mais ne quitte pas le jeune Tzimisce des yeux.

Abalais prend la parole.

- Primogènes ! Considérez-vous Clara de la Mancha coupable d'avoir tué Père Anselme ?

- Oui.

- Non.

- Oui.

- Oui.

- Oui.

- Oui.

- Oui.

- Oui.

- Bien. Messieurs, Mesdames, la chasse au sang sera ouverte, concernant la personne de Senora Clara de la Mancha, à partir de la nuit prochaine !

Dans la clameur générale qui se répercute de manière assourdissante contre les murs, Agulin se lève.

- Non, clame-t-il.

Le silence se fait, perplexe.

- Je demande le droit de défendre Clara de la Mancha contre tous ceux qui réclameront sa mort. Ainsi que le font les mortels !

Lugan hausse un sourcil.

- Qu'est-ce que tu dis ? Explique-toi !

- Oui, père. Vous êtes restés trop longtemps loin des humains. Ils ont changé, et leurs lois aussi. Dans un procès, un chevalier peut prendre le parti d'une personne accusée et défier en combat loyal son accusateur. Ainsi, Dieu révèle s'il est vraiment coupable ou pas, en laissant vivre son défenseur, ou en le faisant mourir.

Lugan explose de rire.

- Dieu ? Mais Dieu ne s'occupe pas de nos affaires !

- Dieu, non. Mais Caïn ?

Un silence consterné plombe la salle. Des murmures apparaissent çà et là, vite mourant. C'est finalement Hugues, le Primogène Ventrue, qui intervient le premier :

- Il me semble que sa proposition doit être étudiée. Mais pas tout de suite. Il nous faut nous réunir, réfléchir sur le problème, se renseigner...

Kernt se lève doucement et prend la parole d'une voix posée mais ferme.


-Excusez mon intervention mais, en tant que nouveaux nés, seront nous autorisés a prendre part à cette chasse, à nos risques et périls bien entendu?

Kernt connaissait plus ou le moins le principe de cet "exercice", expliqué par son maitre. Et sa mise en pratique semblait l'enthousiasmer.

Le prince prend la peine de répondre :

- Je ne peux donner la permission de la chasse au sang tant que la proposition d'Agulin, de défendre la cause de Senora de la Mancha par l'épée, n'est ni refusée ni acceptée. L'accusée sera donc sous ma protection jusqu'à nouvel ordre.

Un murmure de déception parcourt l'assistance tandis que Clara a un éblouissant sourire. D'un geste du prince, ses gardiens lui font quitter la salle. Le fléau se penche alors sur l'oreille du prince.

- Bien, dit-il. Isidora vient de me prévenir qu'un mortel a été étreinte sur mes terres par un vampire qui ne s'est pas présenté. Voyons ce qu'il en est !

Le fléau quitte la pièce quelques instants. Quand il revient, il est accompagné de ...

- La voici, Seigneur...

Le prince, adossé sur son trône, regarde d'un regard appréciateur la nouvelle venue. De fait, sa beauté ne peut passer inaperçue - elle rivalise celle d'Alice... Il lui parle d'un ton doux, chaleureux.

- Eh bien, jeune vampire. Peux-tu nous dire qui tu es, d'où tu viens, et ce qui t'amenais à Tolosa avant ce malheureux incident ?

Tout semblait proprement suréaliste pour la jeune vampire qui scrutait les environs avec un air hagard et absent.
Mais la voix douce de l'"homme" la ramène en territoire connu, celui de la cour. S'incliant respectueusement, elle fixe celui qui semble dirigée l'assemblée

- Mon nom, monseigneur est Leonora Konizscai, je servais autrefois la dynastie des Arpad, dans le pays que vous nommez ici Hongrie je crois, la Terre des Magyars. A l'époque, je me perdais sous l'influence néfaste d'un faux prêtre du nom de Sidor, qui m'enseignait le moyen de communiquer avec les ombres et me forma à l'usage de sorcellerie, condamnant de par la même, mon âme toute entière.
Puis il y a quelque mois, un jeune messager est venu me donner une seconde chance, en me conduisant à l'un des votre....Un Guide, comme il aimait à s'appeler. Il me promit une rédemption en m'incitant à occire celui qui m'avait condamné et à livrer sa dépouille morbide à Dame Aelix.
Mon bras obéit et le corps de Sidor gît-désormais dans ma calèche, entouré des serviteurs.
Lorsque j'arrivais à Tolosa, je fûs escorté par une jeune fille vêtu de couleurs étranges. Je n'ai réouvert les yeux que quelques heures auparavant...dans ce...nouvel état...

Si le début du discour avait été lancé avec une certaine assurance, la fin se faisait moins facile, car les souvenirs étaient confus et surtout le trouble de son esprit commençait réellement à se faire sentir.
Une nouvelle fois, la jeune femme tenta de toucher son visage, sans raison apparente

Le prince se retourne vers la primogène Malkhavian.

- Alix, connais-tu cette femme ?

- Non, Seigneur, mais j'ai déjà entendu de Sidor... Je pense savoir qui est le "guide" de cette jeune femme. Mais j'ignore qui a pu l'étreindre...

- C'est moi.

La jeune fille est apparue à côté de la jeune vampire, sans que rien ne l'aie annoncé. Les clochettes de son chapeau vert et bleu tintent doucement. Elle regarde le prince avec un grand sourire. Dans la salle, on entendrait une mouche voler...

Le fait que la jeune fille à grelot annonce ce fait avec bonhommie agravait la situation de malaise dans laquelle se trouvait Leonora.

- J'ai également une missive pour vous, Dame Alix. J'ignore son contenu. Peut-être vous éclairera t-il.

Dans la stupeur générale, ta phrase passe inaperçue. Le prince semble fulminer, mais, dans le silence pesant, il semble s'adoucir alors que le regard de la jeune fille s'est planté dans le sien. D'une voix douce - trop douce, presque - il dit à Alix :

- Alix, prenez connaissance de la lettre, et occupez-vous d'elle - elle en a besoin.

Il se lève et quitte la pièce, suivi de la jeune fille. Le fléau s'avance pour les suivre, la main sur la garde de l'épée qu'elle seule - avec le préfet - a gardé. Mais alors qu'elle presse le pas pour arriver à hauteur de la fille aux grelots, celle-ci se retourne et pose une main sur le torse de la Nosferatu. Aussitôt, une odeur de brûlé émane du contact, ainsi qu'un mince filet de fumée. Tout le monde recule, fléau y compris - la marque de la main a percé la cuirasse de cuir. La jeune fille regarde la brûlure d'un air vraiment navré :

- Désolée.

Puis elle s'en va, le fléau n'osant plus s'interposer - elle semble comme figée sur place.

- La nouvelle venue a l'air marrante. Marrant l'endroit où elle a le feu, pour une fille !

La blague est lourde et irrespectueuse, mais a le don de faire rire quelques-uns, et surtout de détendre l'atmosphère. Sur un signe du préfet, les primogènes se lèvent et vont dans des groupes qui se forment naturellement. Ce n'est plus qu'une assemblée vampirique comme les autres...