3. Une invitée surprise

Alors que les discussions vont bon train, apparait soudain, au milieu des gradins de pierre, une jeune femme dont la tenue d'homme ne cache rien des formes harmonieuses - impudiquement.

Cela n'aurait rien d'extraordinaire si, très vite, parcourant les lèvres pâles et froides, un mot se faisait entendre : "humaine".

Quelques secondes à peine après la suprenante apparition, un homme à l'innommable laideur pose sa main sur l'épaule de l'imprudente et lui demande d'une voix qui résonne dans le silence nouveau :

- Qui es-tu, et que fais-tu là ?

La femme ne peut être qu'horrifiée par l'extrème laideur avec qui seul un lépreux en fin de vie pourrait rivaliser. Le contact froid de la main la degoûte toute entière et elle ne peut empêcher son corps de frissoner de dégoût. Tous les regards sont cependant braqués sur elle - y compris celui de Jehan, qu'elle retrouve, et qui semble plus que surpris. Il lui faut répondre...

Je regarde la personne, enfin "la chose", qui a osé me toucher et remarque que tous les regards sont posés sur moi.

Je me nomme Victoria et je suis ici car je voulais savoir ce que faisait Jehan, je suis très curieuse et j'ai réussi à le trouver !!!

Tous les regards se tournent alors vers Jehan dans une harmonie qui intimiderait même une personne douée pour les relations sociales. Mais Jehan est plus que cela et, ravi de l'attention qu'on lui porte, il franchit la foule qui le sépare de la jeune humaine, laissant le flot des personnes s'ouvrir comme la mer Rouge devant Moïse.

Il franchit les mètres de solitude sans hâte, savourant le moment et, souriant, baise la main de l'humaine après avoir lancé un regard au Nosferatu qui retire sa main de l'épaule de la blonde personne.

- Ma chère Victoria, je crois que vous ignorez le danger dans lequel vous venez de plonger. J'admire votre courage, mais il n'est pas de mon ressort de décider de votre sort.

Il dit cela d'un air tragique, comme un acteur qui a bien récité son texte.

- Mais je ferai tout mon possible pour sauver votre si jolie tête.

J'essaie de ne pas laisser paraitre ma peur tout en prenant le bras de Jehan.

Vous êtes une bien mystérieuse personne, cela me plait, mon cher ! Si ce n'est de votre ressort, cette décision appartient donc à qui ?

Bien qu'éloignée de Jehan et de la jeune humaine, ma voix se fait forte et imposante.

- Qu'est-ce que celà signifie ? Encore une de tes manigances pour attirer l'attention, Jehan ? Et comment cette humaine peut-elle apparaître ainsi ?

Je m'approche lentement à mesure que je parle. Mon regard est noir, alternant du Sénéchal à l'humaine.

- Seul le Prince décidera de ton sort jeune imprudente.

[Du "Sénéchal" à l'humaine, chère Wiloria. Le chambellan c'est Eleanor, qui pour l'instant et occupée ailleurs, et hors de vue]

Alors que Jehan s'apprêtait à répondre à l'aimable personne, il se fait arrêter par la voix de stentor de la Salubrienne.

Tout sourire, il se retourne vers l'impertinente vampire.

- Chère WIloria, j'avais eu le plaisir de presque oublier votre existence, mais vous voilà de nouveau devant mes yeux, merveilleuse vision assourdissant mes oreilles. Quel dommage qu'une si belle bouche ne dise jamais rien d'agréable...

Mais enfin, pourquoi tant de colère ? Je vous présente Victoria, la fille unique d'Etienne II du Gévaudan. Ce qu'elle fait là, elle vient de le dire. Cela est visiblement de ma faute et je suis prêt à assumer cette responsabilité... devant le prince. ("et devant nul autre", dit clairement son regard).

Quand au fait qu'elle soit subitement apparue, c'est en effet la question que j'allais lui poser. Car, enfin, elle n'a pas pu faire cela seule.

Il se tourne vers Victoria et lui sourit, l'enveloppant de douceur.

- Dîtes, chère damoiselle, avec qui étiez vous jusqu'ici ?

Pendant ce petit discours, Abalais a eu le temps de se joindre à vous, écoutant attentivement tout ce qui se dit. Cette femme en armure impressionne quelque peu la jeune humaine qui ne peut s'empêcher de trouver tout ce qui se trouve ici comme sortant de l'ordinaire.

Le visage impassible, je finis de descendre pour rejoindre Jehan et Victoria.

- En colère ? Je ne le suis nullement. C'est juste que la présence d'une humaine ici n'est nullement justifiée et risque de déplaire au Prince. Quant à ma bouche, venant de vous, cette remarque en fait sourire plus d'un.

Je me tourne vers l'assemblée qui nous regarde et nous écoute, comme pour les inviter à imager ma dernière phrase. Mais je reporte rapidement mon attention sur Victoria.

- Tu peux parler sans crainte, il ne t'arrivera rien... Mais il te faudra être plus prudente à l'avenir. Certaines bouches, quelle que soit leur beauté, sont bien promptes à déverser leur fiel.

J'arrive au coté d'Abalais et remarque l'humaine. Nul doute que la jeune femme était dans de beau drap. La société vampirique ne semblait que très peu clémente envers les ignorants et les malchanceux. Avant de me demander ce qui pouvait passer dans la tête de Jehan, non seulement il était insupportable mais en plus il risquait d'entrainer des vies humaines dans les ténèbres (ou la mort) par inadvertance. Je demande alors à Abalais


"Ne serait ce pas avisé de placer cette jeune femme sous bonne garde, à l'écart des personnes présentes ? Dieu sait ce qu'elle a entendu jusque là mais plus elle écoutera les discussions entre nous plus elle aggrave son cas et risque sa vie, non ?"

D'abord blémissante au vue du troisième œil de la personne qui m'invective, je me ressaisis et dit d'une voix qui se voudrait sure:
Et ... Euh ..... Une charmante personne m'as tenu la main du capitole jusqu'en haut des arènes. -puis d'un ton compatissant- Mais vous savez, ce n'est pas parce que vous êtes horriblement moche - en regardant César - ou affublé d'une malformation de naissance -en regardant Wiloria - que vous n'êtes pas humains, comme moi.

à , esl lèvres serrées.

- Elle est "apparue" de manière peu naturelle. Il nous faut savoir qui l'a amenée ici. Quoiqu'elle en sache, elle en sait déjà trop, de toute manière.


à

La main sur son épaule, il plonge son regard dans le sien, en courageant.

- Il faut que tu nous dises qui t'a amené ici. Si tu ne connais pas son nom, décris-nous cette personne.

"Une personne charmante, il y a peu de chance que ça soit un Nosfératu, surtout quand on voit la réaction qu'elle a eu avec celui là (désignant César). Si celui qui a amené cette jeune femme ici a décidé de rester à l'arène, cela veut dire qu'il est venu seul. Etant donné que tout le monde est venu groupé, il suffit de faire la liste des groupes, cela réduira le nombre de suspect"

Jehan jette un regard agacé à Astier :

- Ou bien de laisser parler notre seul témoin...

Il se retourne alors de nouveau vers Victoria, retrouvant ce regard de miel enveloppant.

Je ne note même pas la remarque de Jehan. Les paroles d'un irresponsable n'a que peu d'importance à mes yeux.

Eh bien, vu l'ambiance ici je ne sais si je dois vous révéler qui m'a accompagné. Je ne voudrais pas qu'il lui arrive malheur, surtout que cette personne m'a mis en garde à plusieurs reprises en me disant de rebrousser chemin.

Jehan marque une pause, et lance un regard à Wiloria :

- En même temps, je connais peu de personnes capables de n'être pas vues d'Adilva ou d'Esclarmonde. Je pense que vous non plus...

Il se retourne vers Victoria :

- Cette personne ne portait-elle pas des habits de bouffon ?

Je pousse un profond soupir.

Si, elle m'a dit qu'elle s'appelait Fekla.

J'étouffe un juron et serre les poings.

- Décidemment, elle nous réserve bien des surprises. Et...

Je continue ma phrase silencieusement, un éclair passant dans mon regard.

- Et... cela pourrait se retourner contre vous Jehan. Peut-être devriez-vous renoncer à ce que vous aviez prévu avec cette jeune fille.

A mon ton, on sent bien que ce n'est pas la phrase que j'avais en tête. Ma voix se fait plus posée et sans émotion.

- Fort heureusement pour moi, je n'avais rien prévu avec cette damoiselle, dit-il en fronçons les sourcils. Et, de toutes manières, aucune décision ne saurait être prise avant la venue du prince. En outre, la présence de Fekla, dans les circonstances actuelles, est plus que dérangeante. Car enfin, s'agit-il de la vraie ou de l'ancien qui se fait passer pour elle ? Cela n'est pas à prendre à la légère !

"Oserai je faire remarquer que si c'est bel et bien l'ancien qui a fait venir cette jeune femme ici, il y a de forte chance que ca soit une diversion pour attirer l'attention des gardes et qu'il serait possible que celui ci ait pénétré la sécurité de l'arène"

Ton mentor se tourne vers toi.

- Un tel vampire n'a pas besoin de diversion pour entrer. De fait, il est entré avec cette demoiselle. Donc il est déjà là.

A ce moment, vous voyez les gardes se mettre au garde à vous en haut des arènes. Une voix clame :

- Mes dames et mes sieurs, le Prince !

Aussitôt dans la foule toute occupée à écouter ce qui se passait autour de la nouvelle arrivée, se cré un mouvement un peu confus. Chacun se met à la place que son rang lui attribue. Les groupes formés par les discussions se disloquent tandis que tout s'ordonne autour du dais.

Jehan, prenant Victoria par le bras et faisant signe à Alice en passant devant elle de le suivre, se place dans la loge, tout comme Eleanor qui vient de quitter ses artistes et comme les Primogènes présents - et qui sont peu nombreux en l'absence de Lugan, de Nicolas, de Sapho et de Hugues.

C'est alors que vous vous rendez compte de l'ampleur de la foule. Jusqu'ici, pris dans vos discussions, vous n'aviez pas pris la pleine mesure des arrivées. Maintenant que tous sont figés dans une immobilité respectueuse, vous vous rendez compte du nombre de vampires présents. Sans nul doute, plusieurs ne sont pas de Toulouse - vous n'étiez pas autant dans l'Elysium le jour du procès. Combien êtes-vous de non-morts dans la région ? Combien ne sont pas ici à ce moment, et grossissent encore les rangs de cette funeste société ?

Mais il n'est pas temps d'y réfléchir plus avant car le Prince, suivi d'une Fekla au chapeau à clochettes vert et de Sapho et d'Hugues, très dignes dans leur rôle de garde personnelle du prince - insigne honneur. Ils remontent la foule lentement, le Prince ayant un petit mot pour chacun. Sapho lance un regard complice à Guilhem qu'elle cherche des yeux dans la foule - c'est le seul écart qu'elle se permet. Tout comme Hugues, elle reste très vigilante.

Pendant ce temps, Fekla remonte quatre par quatre les marches qui mènent à la loge princière et s'affale dans les coussins avec un rire qui n'est pas sans rappeler le tintement de ses clochettes. Puis elle regarde Wiloria, Alice et Jehan avec un petit sourire, ignorant totalement Victoria - jusqu'au moment où, se mettant à renifler, elle s'approche de cette dernière.

- Mais tu es humaine toi. Qu'est-ce que tu fais là ?

Le Prince, encore un peu loin, n'entend rien de tout cela.

Astier et Kernt, lâchés momentanément par leurs mentors, se retrouvent avec Rostan et Guilhem, à ne pas trop savoir où ils doivent s'asseoir. Ils finissent par poser leurs fesses là où ils sont, c'est à dire à l'extrème droite de la foule richement vêtue.

Leonora, elle, a suivi son Mentor qui a joué des coudes pour arriver au plus près de la loge - provoquant des exclamations d'indignation étouffée - à tel point que toutes deux peuvent entendre ce qui s'y dit. Elle se retrouvent à côté d'une exubérante colorée aux bracelets d'or et d'un autre pas moins coloré à l'allure digne. Très vite, Maria et Marcelle commencent à discuter courtoisement, tandis que Leonora et Stoïan, retrouvés côte à côte, se demandent peut-être ce qu'ils font là.

Les goules, quant à elles, sont au plus haut dans les gradins, placés "naturellement" - c'est à dire aidés par les gardes - un peu à l'écart des vampires. Dans la cohue des "non-vampires", Alaïs a marché sur le pied d'Estebàn.

Citation :

- Mais tu es humaine toi. Qu'est-ce que tu fais là ?

Je m'approche de Fekla et lui parle d'une voix basse.

- Tu devrais pourtant le savoir puisque c'est toi qui l'a amené ici.

Après un temps de réaction un peu lent, elle prend un air étonné.

- Moi ? Pas du tout ! Et puis vous êtes qui, vous, pour prétendre des choses fausses ?

Je hausse les épaules et, bien qu'exaspérée par cette Fekla, reste impassible, presque détachée.

- Je ne prétends rien. C'est cette jeune femme qui nous l'a dit.

C'est à ce moment qu'après moult arrêts le prince arrive enfin à la loge. Voyant l'agacement de Wiloria il sourit, prêt à parler quand ses yeux sont attirés comme malgré lui sur Victoria, ses pupilles se dilatant soudain. Après les saluts d'usage - et un regard admirateur sur Alice, il revient très vite près de l'humaine.

- Quelle gentillesse de votre part de m'avoir apporté de quoi me divertir pendant les festivités ! Qui dois-je remercier pour cette délicate attention ?

Il prend la main de Victoria avec un sourire conquérant.

- Quelle douceur, quelle chaleur ! Et quel exquis parfum ! Voyez comme sa poitrine frémit de peur.

Il sourit à Victoria, se voulant rassurant - et étant peut-être plus effrayant encore.

- Auriez-vous peur, belle enfant ?

Puis il se tourne vers Alice.

- Vous êtes splendide, ma chère. Sans mentir vous êtes la plus belle créature que la terre n'aie jamais porté. Et pourtant, je suis sûre que vous saurez apprécier avec moi ce que peut avoir de beau la fragilité d'une vie si fragile et qui craint pour sa vie. N'est-ce pas... émouvant ?

Je lance un regard plein de désespoir à Jehan puis me ressaisi.

Je me tourne vers le prince avec le plus beau sourire que je peux afficher.

Vous devez être le prince ? D'après ce que j'ai compris, c'est donc à vous que reviens la décision de mon triste sort.