-2- Dans les rues au clair de lune

Les quatre nouveaux nés sortent de l'Elysium, accompagnés de leur quatre mentors (ou Sire pour le plus chanceux). Si l'air de la rue est froid, il l'est moins que leur peau insensible. Moins insensibles, cependant, sont les regards des rares passants - sortant sans doute de quelque auberge, qui voit une troupe aussi dense...

Très vite, Sapho prend la parole :

- Le prince vient d'apprendre une mauvaise nouvelle : il semble qu'Elena soit morte.

- Ce doit être là un coup terrible pour lui...

, haussant les épaules, - En même temps, elle commençait à lui taper sur les nerfs... Et à son âge, on s'en remet vite.

A la remarque de Jehan suit un silence de plomb, relevant un malaise métaphysique qui échappe aux plus jeunes du groupe. Sapho décide d'enchainer.

- J'ignore quel est le plan exact du prince - vous le connaissez, il aime être le seul à avoir toutes les informations. Cela dit, il m'a demandé deux choses : d'une part de faire venir tous les vampires présents en ville à l'Elysium, d'autre part de faire en sorte que pas un humain ne traine dans les rues ce soir. Il faut que d'ici une heure les rues soient complétement sécurisées. Donc voici comment nous allons procéder.

Il ne faut pas nous séparer absolument, au cas où le criminel voudrait s'attaquer à l'un d'entre nous. Cependant, le prince m'a fait comprendre que nous n'étions pas en danger - mais je préfère ne pas courir de risque. Nous, les primogènes, qui connaissons la plupart des demeures vampiriques, allons voir les vampires. Alix et Hugues, Jehan et moi - un qui maitrise Auspex et un combattant, ça me parait le plus pertinent.

Les nouveaux-nés, eux, selon le prince, devraient avoir moins à craindre que nous encore. Je pensais mettre ensemble Rostan et Leonora d'une part, Guilhem et Kernt d'autre part. Eux auront comme tâche d'inviter les humains, d'une manière ou d'une autre, à rentrer chez eux.

Il faut, dans un premier temps, que Rostan trouve une tenue moins voyante et, peut-être, se fasse soigner. Aussi je propose que dans un premier temps, le groupe Rostan-Leonora aille avec le groupe Hugues-Alix pour les mener chez Adilva. Ainsi, ces deux groupes s'occuperont du nord de la ville, et les deux autres gèreront le sud.

Des questions ?

-Je vais encore me faire engueuler mais, avec tout le respect que je vous doit...Je trouve toujours aussi Illogique de m'envoyer au contacte des humains. Je veux dire. Je suppose que le prince va se fâcher si l'on abime son troupeau et qu'il se fâchera également si des rumeurs d'être surnaturels terrifiants commencent a courir dans les rues. Autant dire que je ne vois pas de quelle utilité je vais être, avec tout le respect que je me dois.

Sapho, loin de s'offusquer de la remarque, sourit.

- Vous êtes sous une capuche, nous sommes de nuit, et à cette heure avancée, vous aurez sans doute à faire plus souvent à des personnes éméchées ou même très fatiguées qu'autre chose. Je ne pense pas que votre apparence, que nul n'a pu déceler sous les lumières de l'Elysium, pose problème ici.

Kernt hausse les épaules.


-C'est vous qui voyez. Moi je disais ca comme ca, je suis pas un diplomate, je tenais a le rappeler.

Sapho hausse les épaules.

- Il me semblait que vous faisiez un bon tandem avec Guilhem. En cas de souci, l'un aurait pu couvrir l'autre, l'un face accueillante, l'autre face effrayante - sympathie et frayeur, deux sentiments qu'il est bon de savoir faire naître dans le coeur de ceux qu'on veut manipuler. Mais si vous pensez que ferez un meilleur travail avec Leonora ou Rostan, je vous en prie, dîtes-le. Je n'ai pas l'habitude de commander en tyran...

Rostan hoche la tête en signe d'assentiment.

-"Ce plan me convient. J'ai besoin de soin et je me vois mal convaincre qui que ce soit ou même tenir un tant soit peu tête à un meurtrier dans cet état de toutes façons."

-Vous devez sans doute savoir ce que vous faites et je me plierais a votre jugement. J'aime juste donner mon avis.

- Merci de vos lumières, Kernt. Que n'aurait-on fait sans votre avis ?

Deuxième leçon : dire pour agir, ou se taire.

Kernt s'incline alors.


-Mon cher Sire Jehan. Je me contentais de répondre en ces termes pour ne pas faire remarque que les deux groupes proposé, ce qui inclut la solution alternative que dame Sapho a eu la bonté de me proposer, avaient la même mission et donc éviter de devoir préciser que ma remarque avait été mal comprise puisque je demandais implicitement si un autre aspect de cette mission n'était pas plus en adéquation avec mes capacités. Je croyais que c'était ce genre de choses que l'on attendait de moi et que c'était pour les apprendre que l'on m'avait placé sous votre tutelle. Mais peu importe.

Kernt se tourne alors vers Sapho.


-Dame Sapho, je suis disposé a commencer dès que vous le voudrez.

Le Sénéchal reste calme.

- Donc vous sous-entendiez que Sapho aurait pu oublier un aspect de sa mission dans son exposé ?

-Non, je posais une question au cas ou j'aurais pu être plus utile. Je ne crois pas que ca sous entende quoi que ce soit.

Kernt s'incline sincèrement a l'intention du reste du groupe.


-Pas d'autre question pour ma part. Merci a ceux qui ont compris que je savais encore ce que je voulais sous entendre.

Après avoir écouté avec intérêt les explications de Sapho, je m'apprêtais à interroger Sapho -- lorsque Kernt commença à discuter de façon détaillée sa place exacte dans le plan de Sapho. Tour à tout agacé et amusé par les échanges entre lui et Jehan, je finis par constater sur un ton plaisant:

- Kernt, vous êtes bien loquace pour quelqu'un qui se prétend peu diplomate. J'aurai plaisir à discuter de bien des choses avec vous - mais pas en pleine nuit dans une rue de Tolosa, sur les pas d'un meurtrier. Sapho a raison: je suis persuadé que nous nous compléterons fort bien.

Je fais une moue amusée à Sapho, et continue:

- Ce plan me semble tout à fait judicieux. Si jamais nous sommes en danger pour une raison ou pour une autre, que devons-nous faire ?

Ton Sire pose sur toi un regard tendre.

- Face aux humains, je doute que vous craignez quoique ce soit. Si jamais cependant vous deviez trouver un ennemi vampirique sur votre chemin, ne vous amusez pas à le combatrre. Au pire, énonce mon nom un peu fort, et je t'entendrai. Pour l'autre groupe, demandez l'aide d'Alix... Les anciens ne seront jamais bien loin des plus jeunes..

- Bien bien...Des bergers invisibles...C'est charmant...Curieux, je n'aurais jamais pensé que les anges gardiens pouvaient avoir l'aspect de stryge...Absurde...absurde et charmant à la fois...En route, mon libérateur... fit-elle en tendant le bras à Rostan nous sommes attendus.

J'aquièsce aux paroles de Sapho et me tourne vers la capuche noire, ombre dans la nuit:

- Eh bien, allons-y, sire Kernt. Nous n'avons pas toute la nuit devant nous !

Et d'un geste, j'invite Kernt à m'accompagner dans les rues de la ville.

Vous vous séparez donc, Kernt et Guilhem d'une part et Rostan et Leonora d'autre part, suivis des plus anciens après quelques murmures échangés entre eux.